Le mercredi 14 octobre 2020, le président de la République annonce la mise en place d’un couvre-feu, de quatre semaines, à Paris, en Ile-de-France et dans sept autres métropoles à partir du 17 octobre à 0 h 00, jusqu’au 1er décembre. La Vienne est alors classée en « zone alerte » depuis trois semaines. Deux jours plus tard, Denis Daumin, journaliste de la NR, écrira « Les jours du couvre-feu automnal ressemblent à ceux du triste printemps de réclusion ».
A partir de la mi-octobre, le chasseur d’images amateur est amené à s’écarter des abords du site de la Manu, abandonnant ainsi les quais de la Vienne entre l’usine EDF et le pont Henri IV. Les travaux sur le clapet est du déversoir reprennent épisodiquement avec des bruits éloignant la gent ailée. Au cours de la matinée du 20 octobre, le canal de décharge est ainsi déserté, les oiseaux s’étant regroupés à l’ouest du terre-plein central de l’usine. Deux jours plus tard, au cours de l’après-midi, le photographe assiste à l’intervention de la fédération départementale de la pêche qui, à l’aide d’un filet et d’épuisettes, transvase les poissons de la mare au pied du déversoir au-dessus des clapets. Le même jour, l’épais mur, érigé au début de septembre en aval du clapet oriental, est démonté. Pour autant les travaux ne sont pas terminés : le clapet occidental doit subir le même traitement.
Pendant une quinzaine de jours pluvieux et froids, une certaine tristesse s’est installée, sur le plan d’eau, avec des teintes souvent sombres. Les oiseaux ont eux-mêmes adopté des livrées où le noir et le blanc se disputent la place : les grands cormorans, les corneilles, les poules d’eau et les pies, pour le noir, et les cygnes, les aigrettes et les mouettes, pour le blanc. Seuls les bergeronnettes des ruisseaux et les martins-pêcheurs y apportent de la couleur avec l’aide des colverts. Le 18 octobre, ces derniers désertent le canal de décharge où, depuis un mois, respectant la jauge préfectorale, ils s’étaient rassemblés à une trentaine. Par moments, un rayon de soleil suffira toutefois à éclairer des berges aux nuances automnales.
Absents seulement deux jours, des cygnes tuberculés sont revenus dès le 8 octobre. Une famille de cinq avec trois juvéniles assure la relève en amont du pont Henri IV. Outre un plumage brun-gris pour l’un d’eux, un bec gris foncé distingue les jeunes des adultes au bec orange surmonté d’un tubercule noir. Respectant les recommandations présidentielles, ils restent à six depuis la mi-octobre avec le renfort d’un autre adulte. La jauge sera dépassée, le 27 octobre, par une douzaine de cygnes, en amont de l’usine EDF, attirés par des végétaux accrochés aux bouées délimitant la zone de navigation.
Assidus depuis la fin du mois d’août, deux hérons se mêlent volontiers aux cormorans dans les arbres ou les rochers du terre-plein central de l’usine EDF et sur un tronc flottant en amont du pont Henri IV. Le 21 octobre, face à un fort vent du sud, ils adopteront une position aérodynamique. Un couple d’aigrettes cohabite également avec les oiseaux noirs.
Les intempéries de l’automne ont le mérite de reverdir les espaces herbeux et de faire pousser les champignons. Le 15 octobre, sur l’île Cognet, le photographe découvre plusieurs champignons inconnus de lui, auprès d’arbres couchés ou non. L’application I-Naturalist lui fournit une première ébauche dans leur identification. Pour autant, il se garde bien de les cueillir, se contentant de les photographier. Quelques jours, plus tard, en forêt de Mareuil, sur la commune de Chauvigny, il procédera de même. Par la même occasion, River, la nouvelle chienne de sa fille Hélène, fera sa première sortie dans les bois.
De leur côté, les parcs de la ville ont retrouvé un peu de couleurs et abritent à nouveau quelques espèces d’oiseaux un temps oubliés. Le 16 octobre, au parc Aristide Briand, un déjeuner sur l’herbe regroupe pinsons des arbres, moineaux, merles et verdiers d’Europe, parfois dérangés par des étourneaux. Dans les arbres, s’activent également les mésanges à longue queue et les fauvettes à tête noire. Le 20 octobre, de nombreux passereaux s’affairent autour d’arbustes de la rue Camille Lebeau. Sous la surveillance de plusieurs étourneaux perchés sur les antennes environnantes, fauvettes, mésanges bleues, rouges-queues et autres dégustent des baies. Le lendemain, ses pas pousseront le chercheur d’images jusqu’au pont de Loudun, lieu de franchissement de la Vienne par l’ancienne voie de chemin de fer. Cet ouvrage, l’ancienne usine du Bien-Nourri et l’île Sainte-Catherine sont alors photographiés.
La fréquentation régulière du centre-ville de Châteauneuf permet à l’amateur d’images la rencontre dominicale des paroissiens de l‘église Saint Jean l’Evangéliste. Depuis la réouverture au culte, le port du masque et les gestes barrières y sont respectés. Aussi, des cérémonies importantes comme la profession de foi et l’installation du nouveau curé, les 11 et 18 octobre, présentent-elles d’étranges assistances masquées.
Le mois d’octobre 2020 se terminera par un retour du confinement pour quatre semaines au moins. L’activité du chasseur d’images risque d’en pâtir en novembre. Le 28 octobre, en milieu d’après-midi, il procède à une nouvelle observation des oiseaux fréquentant le canal de décharge alors qu’à 15 h 00, le glas résonne dans toutes les églises de France en réponse à l’attentat perpétré à Nice, dans la matinée.
Denis Lemaître